Qu'est-ce que la marque de la Bête ?
Dans le livre de l’Apocalypse, l’apôtre Jean décrit l’apparition de la Bête – l’ennemie du peuple de Dieu. Selon ce texte, ceux qui refuseront de porter sa marque sur la main ou sur le front seront exclus de la vie économique et sociale :
« Elle fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçussent une marque sur leur main droite ou sur leur front, et que personne ne pût acheter ni vendre sans avoir la marque » (Ap 13,16-17).
Mais quelle est donc la véritable signification de cette marque mystérieuse ?
La clé : un contexte juif et anti-romain
Avant tout, il faut garder en mémoire que l’Apocalypse est un écrit juif du Ier siècle, rédigé dans un contexte marqué par l’oppression romaine. Pour en saisir le sens, il est essentiel de revenir aux Écritures hébraïques, qui formaient la grille de lecture de l’auteur et de ses auditeurs.
Le texte central de la Torah, proclamé chaque jour par les Juifs, commence par le Shema Israël :
« Écoute, Israël ! YHWH est notre Dieu, YHWH est Un » (Dt 6,4).
À cette confession de foi s’ajoute un commandement précis :
« Tu les attacheras comme un signe sur ta main, et ils seront comme des fronteaux entre tes yeux » (Dt 6,8).
Les Juifs de l’Antiquité (et encore aujourd’hui) appliquent ce commandement en pratiquant la pose des téfilines (phylactères) : de petites boîtes contenant des passages bibliques, attachées sur le bras et sur le front, en signe de fidélité à la Parole de Dieu.
La contrefaçon de la Bête
Dans ce cadre, la « marque de la Bête » apparaît comme une parodie ou une contrefaçon de la marque divine. De même que les téfilines symbolisent l’attachement du croyant à la Torah et à l’unicité de Dieu, la marque de la Bête désigne un signe – visible ou invisible – qui manifeste une soumission contraire, une allégeance à l’ennemi de Dieu.
Autrement dit, plutôt que d’imaginer seulement une technologie moderne (comme une puce électronique sous-cutanée, hypothèse souvent avancée), il faut d’abord comprendre la marque de la Bête comme l’empreinte spirituelle et sociale d’une vie opposée à la Loi de Dieu. Elle traduit un choix : se soumettre au système idolâtre et persécuteur incarné par la Bête (et, historiquement, par l’Empire romain), plutôt que rester fidèle au Dieu unique d’Israël révélé en Jésus, le Messie.
Conclusion
La « marque de la Bête » n’est donc pas avant tout un objet futuriste ni un signe magique. Elle est la contrefaçon satanique de la marque de Dieu donnée à Israël : là où Dieu inscrit sa Parole sur le front et sur la main de son peuple, la Bête cherche à imposer sa propre domination.
Cela n’exclut pas qu’une forme concrète ou visible puisse apparaître dans l’avenir. Mais le contexte juif et biblique que nous venons d’explorer offre une clé précieuse : il permet de mieux comprendre l’enjeu spirituel de cette marque et de discerner ses manifestations, qu’elles soient passées, présentes ou futures.
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Sources : Apocalypse 13:16-18 ; Apocalypse 14:9-11 ; Deutéronome 6:4-8 (Shema et téfilines) ; Exode 13:9,16 (signe sur la main et front) ; Ézéchiel 9:4-6 (sceau sur le front des fidèles) ; Flavius Josèphe, Antiquités 4.212-213 (phylactères) ; Mishnah, Berakhot 1:3 ; Talmud Bavli, Menahot 35b (téfilines) ; Encyclopaedia Judaica, art. « Tefillin » ; R. Bauckham, The Climax of Prophecy (1993).