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    Pourquoi Paul parle-t-il d’une seule “postérité” en Galates 3:16 ?

    De nombreux commentateurs modernes estiment que Paul, en Galates 3:16, propose une lecture inhabituelle — voire grammaticalement surprenante — du mot “semence”, qu’il applique à un Messie unique plutôt qu’à une descendance collective.

    Pourtant, la Genèse elle-même prépare ce terrain, en singularisant Noé au cœur d’une généalogie répétitive.

    Contexte historique

    Dans les cultures du Proche-Orient ancien, les listes généalogiques servaient à relier les générations et à souligner la transmission d’une promesse. La Genèse 5, placée juste avant le déluge, répète un rythme presque monotone pour montrer la vie humaine sous la malédiction du sol (Genèse 3:17). Cette répétition crée une attente : parmi tant de fils et de filles, un individu va se détacher pour porter l’espoir d’un renouveau. Cette attente trouve un écho direct dans le vocabulaire de la “semence” (zera‘), qui sert dans la Bible à relier la promesse à une lignée humaine.

    Étymologie et sens

    Le mot זֶרַע (zera‘), « semence » ou « descendance », désigne souvent une postérité nombreuse (Genèse 12:7 ; 13:15 ; 24:7). En Genèse 5, la formule וַיּוֹלֶד בָּנִים וּבָנוֹת (vayoled banim uvanot, « et il engendra des fils et des filles ») revient huit fois – pour Adam (5:4), Seth (5:7), Enosh (5:10), Qénan (5:13), Mahalalel (5:16), Yéred (5:19), Hénok (5:22), Méthushélah (5:26). Puis, au verset 28, Lamech « engendra un fils » (vayoled ben, בֵּן). 

    L’emploi soudain du singulier ben (fils) après une série de pluriels marque une rupture narrative, comme si le texte suspendait la routine généalogique pour attirer l’attention sur un individu.

    Le nom de ce fils, נֹחַ (Noaḥ), joue sur la racine נחם (nāḥam, « apporter du repos ») : « Celui-ci nous consolera (yenaḥamenu) de notre travail » (Genèse 5:29). Un simple jeu de lettres lie le nom à sa mission.

    Perspective théologique

    Ce choix narratif met en lumière une idée récurrente : au milieu d’une lignée plurielle, un seul peut incarner la promesse de soulagement face à la peine humaine. Ce schéma — une humanité multiple représentée par un seul — deviendra un motif central de la pensée biblique, culminant chez Paul.

    Parallèles bibliques

    Paul reprend ce modèle en Galates 3:16 : « à ta semence (zera‘), qui est le Messie (Christ) ». Comme Noé singularisé, Yeshua (יֵשׁוּעַ, de la racine ישע yāša, « sauver ») porte ce rôle : « Il sauvera son peuple de ses péchés » (Matthieu 1:21). Le lien est clair : la « semence » collective trouve son sens en un individu.

    Paul ne crée donc pas une interprétation nouvelle, mais poursuit un mode de lecture déjà présent dans la Torah : celui où la promesse donnée à la collectivité s’incarne en un individu porteur du salut.

    Conclusion

    La présentation de Noé dans la première généalogie des Écritures donne à Paul une raison solide de voir dans le Messie la « semence » attendue d’Abraham, qui offre consolation et repos au monde. Ainsi, de Noé à Yeshua, la Bible trace une ligne continue : celle d’une humanité nombreuse représentée par un seul, porteur du repos et du salut promis.